LE ZORBA
Situé rue du Faubourg du Temple, métro Belleville, le Zorba ouvre ses portes à cinq heures le matin, pour les fermer dans la nuit, à deux heures. Les équipes de service se relaient à quinze heures. Ce type d'horaire a comme particularité d'attirer toute la racaille nocturne du quartier. Racaille en quête des derniers verres, et chassée des bistrots qui baissent leurs rideaux plus tôt.
le zorba, 137 rue du faubourg du temple, paris 10e
Après 23 heures il n'est pas rare que le Zorba connaisse un surplus d'activité. La clientèle nocturne peu ragoûtante et mauvaise payeuse est très instable puisque déjà en état d'ébriété avancée : une clientèle à risque, souvent difficile à contrôler. En précisant la composition de sa clientèle actuelle, il est ainsi plus facile de comprendre l'accueil chaleureux manifesté à toute arrivée de chair fraîche, de surcroît jeune et bonne payeuse.
Récemment, ce bistrot a manifesté une tendance au rajeunissement de son image, qui a dû passer obligatoirement par le remodelage de son intérieur. L'achat d'une chaîne hi-fi puissante a amélioré considérablement l'impact de la bulle sonore. Une petite cabane croulante destinée aux joueurs du P.M.U. occupait trop de place au fond du bistrot. Elle s'est vue remplacer par un comptoir peu encombrant, laissant respirer davantage la salle. Les assises dont les mousses synthétiques turgescentes vomissaient des housses en skaï, ont eu droit chacune à un lifting. La modification la plus radicale observée fut le remplacement de l'éclairage fluorescent par des néons. Les quelques tubes fluorescents qui écrasaient d'une lumière froide et blafarde l'intérieur du Zorba, ménageaient des zones d'ombre, repoussantes, peu propices à l'accueil. Il était souvent plus agréable de rester blotti près du comptoir que de tenter une intrusion au fond de la salle. Le Zorba appartenait à la catégorie de ces bistrots glauques, comme on peut encore en apercevoir rue Oberkampf (Moderne bar, Le café d'Oujda). Le choix d'une autre source d'éclairage a remodelé chaque volume, les a dévoilés un à un. Maintenant, les néons roses et blancs qui soulignent chaque volume du plafond, irradient d'une lumière franche et chaude la totalité de l'espace. La faible luminosité qui ménageait jadis les yeux fatigués des rescapés nocturnes, a fait place à une luminosité plus brutale, mais plus chaleureuse. L'atmosphère lugubre qui régnait auparavant correspondait plus fidèlement à l'allure de ses clients, émergeant, tels des zombies, du fond de la nuit, les yeux brillants et les regards vides, y traînant leurs corps rompus jusqu'à la fermeture; ambiance cafardeuse qui contrastait cependant avec la joyeuse humeur des serveurs.
le zorba, 23 heures
Si le Zorba fait autant d'efforts pour acquérir une clientèle plus jeune, il en va tout autrement des Folies qui en est déjà pourvues. Ces deux bistrots, éloignés d'à peu près 200 mètres, sont tous les deux tenus par des familles d'origine kabyle. Chacun cherche à améliorer son image pour faire face aux difficultés économiques subies par la profession : le Zorba en modifiant sa décoration, les Folies en proposant des soirées-concerts.

Si certains cherchent à gagner toujours plus de clients en corrigeant leur image, d'autres comme Fanfan, dotée d'un fort charisme, n'ont nul besoin de s'adapter ni d'évoluer. Ils attirent au contraire la curiosité par une certaine désuétude.