LA TÉLÉVISION DU BISTROT | ||
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La télévision,
formellement identique à celle qui trône dans chaque foyer
familial, propose au bistrot un tout autre service. Introduite dans un contexte
public, elle arbore une dimension particulière. L'omniprésence
de l'image télévisuelle, et plus généralement
de toutes sortes de représentations, est un fait acquis pour les
générations de l'après-guerre. Certains bistrots, comme
le Zorba, rue du Faubourg du Temple, diffusent en permanence une image muette,
participant à l'ambiance globale. Ce spectacle vers lequel certains
visages s'orientent comme interpellés par les voix divines, constitue
une sorte de nourriture virtuelle, absorbée passivement, les regards
se perdant dans un écran clignotant. La télé peut participer
aussi, efficacement, à l'activité du bistrot. Certains jours,
consacrés aux retransmissions de courses hippiques, provoquent la
constitution de groupes s'agglutinant sous l'écran et animés
par des spasmes et de petits cris, liés bien évidemment, à
l'évolution de la course. Celle-ci achevée, l'effervescence
disparaît et chacun, essoufflé comme les montures sur lesquelles
il a misé, regagne sa position stratégique et saisit son verre
afin d'apaiser sa soif. Les diffusions de match de football provoquent également des regroupements impressionnants autour de l'il clignotant. Une clientèle, avide de ballons ronds reproduit dans l'espace confiné du bistrot une sorte de mini-stade. Entassés comme sur de véritables gradins, les clients-spectateurs bénéficient ainsi de l'émotion d'une foule, et s'exclament tous en coeur de dépit ou de joie à chaque but marqué. Dans ce cas précis, le rituel télévisuel joue un rôle bénéfique dans la vie du bistrot. Le café est devenu un véritable lieu de diffusion des nouvelles technologies, boudées par un public n'ayant pas les moyens financiers suffisants pour s'offrir l'objet de rêve, ou craignant la nouveauté. C'est le cas aujourd'hui d'Internet qui a trouvé un espace de vulgarisation dans le café, rebaptisé «cybercafé». Cette association est paradoxale, puisque elle s'écarte radicalement de ce qui constitue le fondement même du bistrot : un lieu voué à la communication de proximité directe et non à la communication par écrans interposés. Malgré tout, le café montre une fois de plus le pouvoir qu'il exerce dans la diffusion des objets de consommation qui se situent à la proue du progrès technique. |
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