«Le
verre de vin rouge est devenu le rite universel de la communication. On
communique autant pour boire que l'on boit pour communiquer.»
Edgar Morin
Si l'intérêt essentiel que le bistrot offre à ses clients
est de s'y rencontrer, il est évident que sa fonction initiale et
commerciale est la vente de boissons. Quelle valeur l'acte de boire apporte-t-il
à la société ? La rencontre sans boisson à l'appui
ne serait-elle pas viable ? Boire ne serait qu'un acte banal s'il ne revêtait,
dans le lieu de sa libre expression, un caractère particulier, s'il
n'était lié à un ensemble de pratiques et de rites
qui lui donnent un sens et le mettent en valeur. A travers des manières
de boire se dessinent en effet des manières de vivre et de concevoir
les relations aux autres, et l'espace du bistrot offre, de ce point de vue,
de troublantes possibilités. La consommation de boissons tient une
place ambiguë. Bien qu'obligatoire, puisque nous sommes ici d'abord
des clients, elle apparaît, dans la pratique, plus souvent comme un
prétexte ou un prélude aux contacts que comme une fin en soi;
comme la poignée de main ou le geste de salutation. Boire fait partie
des rituels du café et des multiples échanges qu'il favorise.
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«Le
partage de l'alcool dans bien des sociétés, occupe une place
cérémonielle, loin de signifier la déviance, il réinstaure
le lien social. L'attention ne doit pas se porter sur la consommation d'alcool
en soi et son abus, mais sur la position du buveur au sein du groupe. Pour
les praticiens de la santé comme pour beaucoup de sociologues, l'alcool
a de maintes façons, partie liée avec l'exclusion. Il la provoque
ou l'accompagne. On va jusqu'à montrer que son absorption déclenche
une levée des interdits et donne libre cours à des conduites
de désordre.»16
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