ACTEURS ET SPECTATEURS | ||
Se donner en spectacle
n'est pas, pour les habitués du bistrot, une pratique incongrue.
L'interpellation provocante et familière à la fois, l'excessive
décontraction sont autant de manifestations de cette attitude qui
semble régler les comportements d'une clientèle souvent inactive. «Chômeurs et déclassés ont une identité à se reconstituer. Avant même de se faire reconnaître positivement il est nécessaire pour eux d'être perçu par l'environnement social. Il faut être vu.»12 Mais le spectacle suppose la présence de spectateurs. Il est important pour l'acteur que son public dépasse le cercle des proches et des semblables. Ceci d'autant plus que parmi ces derniers se trouvent des concurrents. C'est le plus souvent sur le mode de la compétition que s'actualisent les exhibitions des habitués. La présence d'un public non impliqué dans ce jeu social et assumant involontairement un rôle de tiers s'avère être une nécessité. Souvent issus de classe moyenne, les habitués chômeurs ou déclassés sont en fait plus sensibles à une reconnaissance émanant de milieux socialement valorisés. |
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A la périphérie
de la scène, les spectateurs consomment les valeurs du lieu et tout
d'abord éprouvent le sentiment d'être intégrés
à un espace culturel où l'originalité domine. L'inédit,
voire l'insolite, crée la curiosité ou la fascination. C'est
aussi le caractère prévenant de l'accueil qui suscite l'intérêt
des nouveaux arrivants pour un lieu qui ne leur est pas coutumier. L'attention
dont ils font l'objet, les conforte. C'est dans le jeu d'une reconnaissance mutuelle que chacun en acteur et spectateur trouve sa raison d'être, au moment voulu et dans ce lieu : plus qu'une alliance des contraires, une dualité. Le climat social qui en résulte est fait d'attention portée à chacun des partenaires. C'est a priori un lieu idéal de réconfort, de renforcement ou de reconstitution de l'estime de soi. |
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